Raconter les dures années d’apprentissage
Des années de souffrance qui forgent la volonté d'entreprendre
Sans baccalauréat ni brevet, les entrepreneurs autodidactes représentent une part très importante de nos éditions de biographies. Rien qu’en 2021, une demi-douzaine de projets de ce type a démarré avec nos écrivains biographes. La plupart du temps, ces hommes ont vécu des premières années très difficiles. En France, en Algérie ou en Espagne, ils ont quitté l’école très jeunes pour aider leur père artisan ou agriculteur. Des années de souffrance qui les ont endurcis, imprégnés d’une soif de réussite hors du commun. « Les chaussures sont bien évidemment inexistantes : quand la neige tombe, mon père achète des morceaux de cuir qu’il perce adapte à nos pieds avec une ficelle », raconte Alain Derouaz dans son ouvrage Résiliences. Comme lui, ces hommes d’âge mûr se souviennent de leur enfance avec une grande émotion. Ils n’ont plus de fausse pudeur et fondent souvent en larmes pour s’immerger dans leur passé et le restituer au plus juste.
Des hommes atypiques et inclassables
Les entrepreneurs présentent des traits de personnalité communs et parfois atypiques. Ils n’ont rien à voir avec les dirigeants d’entreprise classiques, les hommes d’affaires ou les financiers. Résolument tournés vers l’action et les résultats concrets, ils aiment décider et ne comprennent rien à la routine.
Mais l’intérêt de ces récits n’est pas tant la réussite que les années d’apprentissage. Pour ces hommes, l’écriture de leur biographie constitue surtout une envie de démontrer, preuves et anecdotes à l’appui, d’où ils viennent, quel fût leur monde d’avant, celui qui a nourri leur volonté et leur persévérance. Au-delà, ils aimeraient que les jeunes générations comprennent la valeur profonde de leur richesse, peut-être pour éviter qu’ils ne la dilapident trop rapidement.
Se faire pardonner son comportement auprès de la famille et des proches
Il s’agit aussi de se faire pardonner auprès des proches leur autorité et leur perfectionnisme parfois mal supportés. « J’avais honte d’être pauvre. Je pense même que notre famille était la plus démunie de toute la rue, dans un environnement déjà des plus modestes. J’étais complexé par ma naissance, qui n’était pas celle que j’aurais souhaitée, et, comme bon nombre d’enfants, je rêvais que mes parents soient plus riches », raconte Bernard Boussetta dans son livre Vive le défi, devenu un important promoteur immobilier parisien.
Des chefs d’entreprise obsédés par le contrôle
Une constante dans la vie professionnelle et la personnalité de ces hommes atypiques repose sur leur besoin de tout contrôler. Cette attitude parfois maladive affecte inévitablement leurs relations avec les autres et avec le pouvoir. Certains réagissent de façon étonnamment ambivalente lorsque se présente un enjeu de pouvoir : ils ont des fantasmes d’influence et d’autorité mais se sentent parfois désorientés, comme de petits enfants ! Ils aiment diriger, mais acceptent mal d’être dirigés par d’autres.
Relationnel compliqué
Bizarrement, l’expérience montre que le refus de l’autorité et des règles de l’organisation conduit ces hommes à devenir entrepreneurs ! « Beaucoup d’entre eux sont des inadaptés qui ont besoin de créer leur propre environnement pour s’en sortir », indique Paul Lafont, professeur de management.
Ils souffrent également d’un problème récurrent de relation avec les autres au sein même de leur société. Ils jugent souvent étouffantes les relations d’autorité et les structures qui vont avec. Ils ont du mal à travailler avec les autres dans le cadre de structures rigides sauf, naturellement, s’ils ont eux-mêmes mis en place ces structures et défini les conditions de travail.