La difficulté de témoigner sur la déportation et la Shoah
Dans les cas que nous traitons en grande majorité, ce sont les enfants voire les petits-enfants qui sont à l’origine de la démarche. Ils ont très envie de savoir les circonstances de la déportation, connaître l’histoire vécue de leur grand-père ou de leur grand-mère dans les moindres détails. Ils veulent mettre des mots, des images, sur ce qu’ils imaginent depuis leur enfance. Ils en ont assez de vivre avec un passé sans contour. Ils veulent connaitre l’histoire vraie de ces témoins hors norme et poser des formes précises sur ce qu’ont enduré les Juifs dans ces camps de la mort.
Par ailleurs, et même s’ils se doutent que leur aîné risque de traverser des moments de grande turbulence en se confiant à un biographe pour raconter les détails de leur vécu, ils ont la conviction que ce travail de témoignage va faire beaucoup de bien à leur grand-père ou leur grand-mère qu’ils chérissent tant.
Depuis une dizaine d’année, les témoignages des rescapés de la Shoah se sont faits de plus en plus rares. Il demeure des survivants, naturellement, mais ils étaient trop jeunes à l’époque et n’ont pas conservé de souvenirs assez précis pour les raconter, et encore moins les écrire et les éditer. Sans doute sont-ils devenus également trop faibles physiquement pour se lancer dans ce travail de mémoire éprouvant.
Le livre exceptionnel d'un rescapé de la Shoah
Certains récits de témoins que nous avons édités avec Votre Biographie Editions ont été publiés chez Transversales Editions et présents encore aujourd’hui à la librairie du Mémorial de la Shoah à Paris. C’est le cas de l’ouvrage de Charles Naparstek, intitulé J’ai vécu l’extermination des Juifs d’Europe au « Canada ». Charles Naparstek est resté trois ans à Auschwitz-Birkenau. Pendant deux ans et demi, il a fait partie du « Canada ». Ce commando spécial et peu connu, composé d’une centaine de détenus seulement, avait été créé par les S.S. dans le but d’organiser le pillage et le stockage des affaires des déportés à leur arrivée au camp. Le « Canada » ou « État d’abondances » regorgeait de richesses en tout genre : bijoux, argent, victuailles, chaussures…
Souvent décriés par d’anciens déportés du camp d’Auschwitz, les membres de ce commando ont pourtant sauvé des centaines de vie et pris des risques. Sur la rampe, par exemple, ils sauvèrent la vie de jeunes femmes en leur arrachant l’enfant qu’elles serraient dans leurs bras. Toutes celles qui ne voulurent pas s’en séparer périrent quelques heures plus tard dans les chambres à gaz.
Charles Naparstek avait toujours refusé d’écrire un récit sur sa déportation. Soixante ans plus tard, il a décidé de libérer sa parole. Son témoignage transperce les pages de ce livre. Il est brut, présent et vivant. Essentiel.