Pourquoi éditer ses mémoires d’immigré : les cas espagnols et portugais

Les grandes vagues d’immigration en France au siècle dernier représente l’un des sujets les plus récurrents de nos biographies. Mis à part l’immigration maghrébine que nous aborderons dans un autre article, l’immigration italienne mais surtout espagnole et portugaise constituent la majorité des livres biographiques d’émigrés que nous réalisons.
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Les souvenirs d’immigrés Espagnols

Biographie d’une communauté

La présence espagnole a beaucoup augmenté dans l’Hexagone après la première guerre mondiale à tel point que les Espagnols représentent la troisième nationalité étrangère à partir des années vingt. Au début, les Espagnols travaillent surtout dans l’industrie et l’agriculture, spécialement dans les vignobles du Midi. La plupart sont journaliers. Seul un quart des ouvriers espagnols est qualifiée, contre 75 % de la main d’œuvre française.

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Ils se regroupent en communauté comme par exemple à Saint-Denis, en banlieue parisienne, à Lyon ou à Saint-Etienne comme c’est le cas de la famille Perez. « Mon grand-père a été le premier à poser les pieds sur le sol français, en 1914. À Almería, sa ville natale, il était chauffeur-mécanicien dans les chemins de fer. Son frère et d’autres membres de la famille travaillaient comme lui à la compagnie. Mais voilà, un jour, les ouvriers se sont mis en grève. Mon grand-père et son frère, Santiago, des vrais syndicalistes, ont été repérés et ont été aussitôt renvoyés. (…) Il a trouvé un poste de scaphandrier à Toulon, avant de changer radicalement de décor pour aller sonder, cette fois, les bas-fonds de la terre comme mineur à la Ricamarie, à Saint-Étienne. »
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Des générations de mieux en mieux intégrées

La crise de 1929 et la politique protectionniste qui s’ensuit stoppent radicalement les flux d’immigration en France. Des quotas sont votés visant à limiter le recours à la main d’œuvre étrangère dans l’industrie et les services. Quant aux chômeurs étrangers, ils risquent l’expulsion. A partir des années 1934 et 1935, le nombre d’Espagnols sur le territoire français chute de plus de 100.000 personnes. Dans le même temps, les demandes de naturalisation augmentent chez tous ceux qui sont mariés avec une Française ou qui souhaitent se marier. La guerre civile espagnole, la Seconde Guerre mondiale et la fermeture de la frontière pyrénéenne qui s’ensuit provoquent la perte des liens avec le pays d’origine. Cette rupture de lien s’aggrave d’autant plus que la deuxième génération de migration s’intègre bien en France, trouve des emplois qualifiés et pérennes. Les mariages mixtes franco-espagnols continuent à se développer.

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Après la guerre, les passages clandestins des Pyrénées redémarrent avec des réfugiés politiques et économiques. L’immigration espagnole rebondit nettement à partir des années soixante à tel point que début 70, la communauté espagnole est la première en France. La présence en région parisienne explose en raison des besoins économiques, spécialement de l’industrie automobile, du bâtiment et des services. La particularité de cette immigration tient au travail des femmes. De très nombreuses Espagnoles décident de partir seules à l’aventure pour venir travailler en France à domicile. Au préalable, elles venaient accompagnées d’un parent masculin. A partir des années 60, elles viennent plutôt avec une sœur ou une cousine. La plupart sont célibataires. Fait étonnant de ces années 60 : il y a plus d’Espagnoles actives en France qu’en Espagne !!
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Les mémoires d’immigrés portugais

Peu nombreux au début du siècle dernier, les Portugais deviennent la communauté étrangère la plus nombreuse au cours des années soixante-dix. A la fin des années 1940 et au début des années 1950, les départs vers la France sont limités et se déroulent de manière clandestine. Ceux qui partent en France à l’époque ont le plus souvent des proches ayant déjà émigré avant la guerre.

Récits de voyages éprouvants et dangereux

C’est au début des années 60 que les départs sont plus massifs, organisés avec des filières de migrations clandestines. Ces réseaux permettent aux Portugais de quitter leur pays, de traverser irrégulièrement l’Espagne puis d’entrer en France. Ces voyages éprouvants et dangereux sont réservés aux hommes, jeunes et bien portants. Il faut aussi avoir les moyens. Dans son livre autobiographique, Luis Peirera se souvient bien de son périple. « Nous attendions là jusqu’à ce qu’un TUC Citroën nous recueille. Nous étions neuf à l’intérieur, il y faisait tellement chaud que je m’y suis senti mal. Il nous a déposés près d’une nouvelle remise. Nous nous sommes retrouvés dix-huit. Il en arrivait au fur et à mesure du parcours, de toute part, par différentes routes. Nous craignions énormément les Espagnols : selon une rumeur, ils tuaient les Portugais clandestins pour récupérer l’argent qu’ils avaient sur eux. »
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Explications des différentes migrations

A la fin des années soixante, les départs vers la France explosent littéralement. La raison de cette migration est d’abord économique. Le Portugal, très rural, peine à nourrir sa population. L’industrie, très peu modernisée, ne peut répondre aux demandes. « Il était prévu que je m’embauche dans la construction, comme beaucoup de Portugais. Mais à la saison où nous étions, les intempéries empêchaient encore le travail. Je devais attendre. Finalement, on m’a proposé de m’embaucher chez un maraîcher à Thiers. J’ai accepté pour quatre cents francs, nourri, logé », explique José Joaquim dans son livre qui aborde essentiellement la traversé de la frontière en 1964.

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Mais il y a aussi des causes politiques de quitter le pays. De nombreux Portugais craignent la dictature qui génère un système socio-économique rigide, sans mouvement dans lequel il devient très difficile de trouver un travail. C’est pourquoi l’exode est massif. « Sous Salazar, la vie était dure. Impossible de critiquer notre dirigeant, sous peine d’emprisonnement immédiat dans une société très policière. Depuis tout petit, nous apprenions à respecter le curé, les gendarmes, le président de la commune, les professeurs et les parents. Et à vouvoyer tout le monde, parents compris. », raconte notre client Gabriel Alves dans son livre.

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