Pourquoi transmettre ses mémoires d’agriculteur à ses enfants

Transmettre ses mémoires d'une agriculture à l’ancienne

Les années trente à cinquante

Les mutations de l’agriculture française dans la deuxième moitié du XXème siècle sont à la fois très fortes, nombreuses et multiples. Ces multiples facettes « d’une vie à la ferme » révolutionnée nous sont racontées au travers de récits de vie hauts en couleur.

, Pourquoi transmettre ses mémoires d’agriculteur à ses enfants

Les paysans français, majoritaires dans le pays à la fin des années 30, vivent parfois dans des conditions de misère. Dans son ouvrage Souvenirs de Carmandet, Robert Dupuy raconte ses années de jeunesse :  « Mes parents aussi étaient agriculteurs. Ils avaient six hectares de terre et locataires d’une petite parcelle. On vivait tous dans la même pièce, sur de la terre battue. Pas de WC… Pas d’eau… Il fallait aller chercher au puits du village, avec des seaux, l’eau dont nous avions besoin, pour nous et pour les animaux, vaches et cochons. À ma naissance, il n’y avait pas encore d’électricité. Elle est venue dans les années suivantes, après-guerre. La maison de soixante mètres carrés ne comportait qu’une seule pièce, qui faisait cuisine, salle d’eau, salle à manger et chambre. Il y avait quatre lits, dans lesquels on dormait à deux ou trois, ce que nous trouvions tout à fait normal.»

, Pourquoi transmettre ses mémoires d’agriculteur à ses enfants
, Pourquoi transmettre ses mémoires d’agriculteur à ses enfants
Avant la guerre 39-45 et même quelques années après, beaucoup d’enfants sont placés dans les fermes où la vie se révèle très dure. Ils ont faim et doivent chaparder des légumes dans les champs voire même se servir dans les mangeoires des animaux ! Les revenus agricoles sont très faibles, ils suffisent à peine à entretenir le quotidien, comme en témoigne Gérard Saint-Antoine dans son livre Au paradis de Froid-Cul. « À la ferme de Froid-cul, en 1949, on produit des céréales, on vend des œufs, du lait, on fabrique du beurre, du fromage blanc. Avec toute cette production et l’argent des ventes, nous payons à la fin de l’année le maréchal-ferrant, la nourriture pour les animaux et tous les autres frais liés à l’exploitation. Ces transactions s’effectuent une fois par an. L’argent qu’il nous reste après le paiement des fournisseurs correspond à notre revenu. Reprendre une ferme n’est pas si simple. Le travail ne me fait pas peur, je sais labourer, soigner les bêtes… mais pour gérer l’exploitation et réussir à faire des bénéfices, je m’achète un livre traitant le sujet. La nuit, quand Paulette dort, j’étudie sous les draps et j’apprends la gestion. »
, Pourquoi transmettre ses mémoires d’agriculteur à ses enfants

L’agriculture intensive des années soixante et soixante-dix

Dans les années 60, on apprend à se diversifier, on vise grand. Disposant d’une superficie de plus en plus vaste, l’agriculteur français mène de pair la culture classique (blé, orge, avoine…) avec une activité importante d’élevage (poulets et porcins le plus souvent). Avec l’aide de commis, se documentant auprès des organismes spécialisés du monde agricole (ingénieurs et directeurs agricoles), il installe dans les dépendances de la ferme différents locaux à usage bien défini. Les stades de progression sont nettement définis par l’éleveur, jusqu’à la finition qui nécessite un certain doigté. Il cherche sans cesse à investir dans de nouveaux procédés.   » La grande nouveauté, ce fût la couveuse artificielle à chauffage infrarouge ! Près de 700 poussins, puis quelque 800 poulets « , se souvient Martine Camus dans son livre autobiographique « Ma vie à Chaumas ».
, Pourquoi transmettre ses mémoires d’agriculteur à ses enfants

Décrire le développement de l'agriculture moderne

Les biographies que nous réalisons pour les agriculteurs n’ont pas vocation à sortir du cercle familial. Pour les « héros » de ces livres, il s’agit surtout d’expliquer à leurs petits-enfants comment leurs métiers ont évolué du fait des mutations macro-économiques et politiques (la Politique Agricole Commune) dont ils ne sont aucunement responsables. Leur univers a tellement changé depuis cinquante ans qu’il leur est devenu presque impossible de décrire oralement leur monde d’avant à leurs descendants. D’où la nécessité de transmettre leur témoignage à l’écrit et de recourir au service d’un écrivain biographe.

Du fermier au chef d’entreprise

L’agriculteur tel que nous le connaissons aujourd’hui s’apparente à un véritable chef d’entreprise. Il possède un savoir technique important, pilote des machines high tech, organise un emploi du temps ultra diversifié. Il réalise de nombreux investissements et n’hésite pas à prendre des risques. A des années lumières de son aïeul des années 50 ! Au lendemain de la guerre, la moitié des Français vivent encore en dehors des villes et plus d’un sur trois travaille la terre ! Il s’agit d’une mutation quasi impossible à décrire.
, Pourquoi transmettre ses mémoires d’agriculteur à ses enfants

Le succès des activités de niche

Le métier est devenu une passion, un sacerdoce. Quelques-uns s’en sortent parce qu’ils développent des activités de niche, dans l’élevage ou dans la culture bio par exemple.

De loin l’ouvrage le plus complet que nous avons édité sur cette grande mutation agricole au cours du siècle dernier, « Rendez-vous au bord du gué » de Raymond Lagabrielle, retrace le parcours d’une famille d’agriculteurs de l’Oise sous cinq générations. Agé de 80 ans, Raymond Lagabrielle porte un regard lucide et inquiet sur le monde agricole actuel. « Des cousins ont modernisé leur exploitation en montant des robots de traite pour s’en sortir ; ils en sont même arrivés à cent cinquante vaches, sans ouvrier. Ils ont procédé en fait comme j’aurais aimé le faire il y a quarante ans ; ce qu’ils ont réalisé, je l’avais en tête… Mais il y a un prix à payer à ce dispositif… Ils commencent à cinq heures du matin et finissent à dix heures du soir. Eh bien, malgré ce lourd investissement financier et humain, ils ne s’en sortent pas. Tout ça pour en arriver là ! ».

Chaque année, nous éditons une demi-douzaine d’ouvrages exclusivement dédiés à la vie agricole, des sagas familiales et rurales. Au Paradis de Froid-Cul, Souvenirs à la ferme et Une vie ordinaire à la campagne figurent parmi nos dernières éditions.