Ecrire son histoire familiale pour la transmettre aux jeunes

Décider de raconter son histoire

Les sagas familiales ne sont pas aussi rares qu’on le croit en France. Trop peu de familles décident de se dévoiler au grand jour, de délivrer leurs aventures économiques. « Vivons heureux, vivons cachés ! » ou encore « Le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit ! ». Elles préfèrent rester discrètes sur leur réussite tant elles craignent d’attiser l’envie et la jalousie. La réussite entrepreneuriale et la richesse qui en découle parfois demeurent suspectes, jugées mal acquises et construites sur le dos des pauvres.

Régulièrement, chaque année, quelques-unes décident de franchir le pas et nous contactent pour que l’un de nos écrivains les rencontre et écrivent leur parcours. Leur première motivation ne consiste sûrement pas à s’adresser au public mais à leurs proches, à tous ceux ayant vécu de près ou de loin leur parcours économique : des cousins, des fournisseurs, des amis, des clients… Cette histoire bientôt matérialisée dans un livre sera partagée à tous les niveaux.

, Ecrire son histoire familiale pour la transmettre aux jeunes

La mémoire de l'entreprise: la genèse du produit

Pour les anciens, fondateurs ou descendants, il s’agit de faire comprendre l’origine du projet, de retourner aux sources pour que les jeunes s’imprègnent d’une mémoire, d’un sens profond qui leur échappe, d’un univers complexe dont ils ont tendance à s’éloigner. Revenir aux essences brutes, à la genèse d’un produit, d’un concept. C’est particulièrement le cas pour les entreprises artisanales pour lesquelles le produit représente l’essentiel du business. Dans son roman autobiographique « En attendant les Vendaisons », Henri Malloré insiste bien sur les spécificités de terre de ses ancêtres qui choie depuis cent quarante ans ses cent vingt hectares de vignes dans le Lubéron. « Bien sûr, rien ne remplace le contact direct, l’appropriation physique et sensorielle de notre terre par nos héritiers mais je voulais leur donner également une approche théorique, un moyen de s’y replonger à tout moment. Et puis le texte reste pour toujours, on en est sûr ! »

S'imprégner des gestes ancestraux

Comment mieux vendre ou développer un produit qu’en en maîtrisant parfaitement l’origine ? Voilà la première motivation : la transmission. Les pionniers ont transmis leur savoir-faire, leurs expériences, mais cela ne suffit pas. Il faut dire les gestes, les mécanismes et les process, les raconter dans le détail, aller au bout des explications. Seuls les mots couchés sur le papier permettent cette profondeur. Cette biographie va donc devenir un formidable outil pour ces créateurs d’activité, désireux de confier leur création à leurs enfants ou petits-enfants mais tellement angoissés, dans le même moment, de donner ce trésor à des jeunes qui n’en connaissent pas les subtilités et la valeur réelle. Dans son ouvrage économique et managérial « Boulangeries Paul, comment il est devenu le premier boulanger français », Francis Holder explique à ses descendants la manière dont son propre père lui a appris à choisir la farine et bien comprendre les meuniers. Puis il prend le temps, page après page, de leur expliquer comment il fait reposer la pâte dans le fournil, tient compte de la température et de l’humidité, puis comment il a acquis tous les gestes pour malaxer et pétrir cette « matière vivante » qu’est le pâton.

Ecrire les succès comme les échecs

D’où l’intérêt de transmettre ses souvenirs, de manière apaisée, en prenant soin de ne rien oublier. Le style doit être exhaustif, traiter les moindres détails de telle sorte que ce texte puisse servir à tous les descendants. Il est important de retranscrire toutes les étapes de la création de la société. Ne pas hésiter à relater en détails tous les échecs rencontrés sur le parcours. « Les difficultés que je suis parvenu à surmonter, parfois avec beaucoup d’efforts sont, dans certains cas, celles auxquelles seront confrontés mes jeunes successeurs. Le jour J, ils seront bien contents de pouvoir bénéficier de mon petit guide, cet ouvrage que je leur transmets ! », ironise Régis Arnoux patron et fondateur du groupe CIS (Catering International Service). Ce spécialiste de la création et de la gestion de bases vies aux quatre coins du monde a livré son récit de vie dans un ouvrage intitulé « Merci à tous : des pères Jésuites à l’hôtellerie de l’extrême », dans la collection « Portraits d’entrepreneurs » chez Transversales Editions.

Se servir de son livre comme d'un outil de communication

En interne

Au-delà de son rôle fondamental de transmission pour les successeurs, le récit autobiographique sert aussi d’outil de communication en interne. D’abord auprès des employés. Ces derniers vont pouvoir mieux appréhender leur rôle dans l’entreprise, trouver davantage de sens dans l’application au quotidien de leurs missions. Dans les entreprises qui misent énormément sur la formation, le recueil de mémoires peut devenir un outil fondamental. « Mon idée consistait à distribuer ma biographie à tous nos franchisés mais aussi à tous nos apprentis coiffeurs », se souvient Eric Terpant, créateur de l’un des réseaux de salons de coiffure les plus importants en Europe. Grâce au recueil des mémoires de l’entrepreneur, le nouvel entrant dans le groupe s’imprègne assez rapidement de la culture de l’entreprise. Il trouve facilement une panoplie complète d’outils et de méthodes pour s’intégrer efficacement dans ce nouveau monde économique, un univers truffé de codes, de secrets qu’il aurait mis beaucoup plus de temps à déchiffrer. Car, sans rien cacher des nombreuses anecdotes qui parsèment le chemin d’une société, le narrateur raconte une formidable aventure, de la création au développement.
, Ecrire son histoire familiale pour la transmettre aux jeunes

A l'extérieur de l'entreprise

Pour les fournisseurs, les clients, les politiques et tous ceux ayant un lien plus ou moins direct avec l’entreprise de la famille. Pour les créateurs, cette écriture est aussi l’occasion de régler quelques comptes avec les générations suivantes, de préciser les rôles de chacun notamment en remettant à leurs places les assoiffés de pouvoir. C’est pourquoi le « héros » du livre ne doit pas avoir peur de créer ou accélérer des conflits avec les siens avec son édition auto-biographique. « Certaines vérités sont plus faciles à dire en les écrivant, il est ainsi possible de mieux les expliquer », se souvient Francis Holder.

Edité une première fois à quelques centaines d’exemplaires et distribué par les oncles, les tantes, les cousins, le texte biographique de la saga économique et familial pourra rencontrer une seconde vie avec une publication nationale. Sans pour autant toucher le public, il sera apprécié dans les écoles de management, de commerce mais aussi les centres d’apprentissage en rapport avec les métiers de l’entreprise. Les entrepreneurs familiaux, souvent autodidactes ou peu diplômés, ressentent beaucoup de fierté en participant à cette diffusion de leur livre dans les écoles. Pour eux, il s’agir d’une véritable consécration. Non pas d’une revanche car ils ont souvent trop d’humilité pour cela. Au contraire, plus ils avancent en âge, plus ils apprécient de transmettre leur histoire aux plus jeunes. Aujourd’hui plus détachés et parce qu’ils sont en passe de léguer leur affaire, ils se sentent plus utiles dans ce genre de mission.

, Ecrire son histoire familiale pour la transmettre aux jeunes
, Ecrire son histoire familiale pour la transmettre aux jeunes